Daniel et Chon

Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront (René Char)


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Sonate d’Automne

A Riga, nous avions établi notre camp de base sur le parking du port des ferries. L’emplacement était idéal près du centre-ville et calme… dans la journée. Pas de chance, comme cela nous était déjà arrivé à Belgrade, nous n’étions pas très loin d’une discothèque, et avons pu profiter à fond de la techno jusqu’à 5h du matin. De plus, il s’est mis à pleuvoir !

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Aussi, pour notre ultime semaine balte (le temps passe, et notre ferry pour Helsinki est réservé le 2 octobre à Tallinn), nous avons décidé de profiter une dernière fois de la mer, des forêts et des lacs de la région , le soleil étant finalement revenu.

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Les côtes lituaniennes et lettones ne sont qu’une succession de grandes plages de sable fin bordées de pinèdes. Nous nous sommes installés au camping écolo de Abragciems (57°11’47.29 23°12’25.62, 15€), à 80 kms à l’ouest de Riga. Nous étions seuls face à la mer. Un petit paradis pour deux jours de repos, internet, blog, lectures, balades, cuisine.

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Seule ombre au tableau, on n’a toujours pas trouvé d’ambre sur les plages …

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… mais on n’a pas perdu le moral pour autant.

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Bizarrement la baie de Riga n’abrite pas d’oiseaux de mer, mais des cygnes et des canards. Elle est si calme qu’on se croirait sur un lac. Les levers du soleil sont magnifiques !

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Une journée de liaison ennuyeuse – des bouleaux, des sapins, des bouleaux, des sapins le long de la route – nous a fait passer en Estonie avec comme objectif un petit lac d’un parc naturel au sud du pays.

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Pas de surprise, le paysage est le même et les forêts aussi denses, tapissées de myrtilles. Les couleurs d’automne commencent à arriver petit à petit.

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L’espace de pique nique et de camping (58°7’16,932 24°46’9,516 ; gratuit) du lac Rae est génial. Des tables, des toilettes nickel, des panneaux d’information sur les randonnées possibles, et bien sûr tout cela est construit en solides rondins. On s’attendrait à voir passer des indiens dans des canoës ou un Davy Crockett en goguette.

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Les coins à barbecue ont une réserve de bois à disposition, avec un billot pour fendre les bûches et pas un papier gras ne traîne ! Cerise sur le gâteau, tout cela est pour nous tout seuls. Vive l’Estonie !

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Après l’effort, le réconfort. Et aussi le farniente d’autant que pour fêter cela on a trinqué en arrivant au Black Balsam, un apéro local à base de plantes. Le lendemain, on sentait encore les 45° du breuvage sur l’estomac.

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Même si on ne s’est pas baignés, on aurait dû se méfier, au vu du logo sur la pancarte : en Estonie, boire ou nager, il faut choisir.

Pas d’internet dans ce coin perdu de forêt, mais l’occasion d’avancer dans nos lectures : La Famille Moskat de I.B. Singer (saga d’une famille juive dans la Pologne du début du vingtième siècle), Purge de la finlandaise Sofi Oksanen (superbe, mais très sombre, le roman se passe dans l’Estonie communiste) et La Lionne blanche de Mankel (un de ses meilleurs polars, avec une intrigue entre Suède et Afrique du Sud).

Et puis, pouvoir manger dehors à midi (avec une petite laine quand même à cause du vent frais) devant un lac par 58° nord, un 28 septembre, c’est le rêve, quand on pense que par ici il a plu des cordes tout le mois d’août. Notre voyage est béni du dieu de la météo !

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Demain, il va falloir quitter ce lieu idyllique pour rejoindre Tallinn : ça sent la fin du périple. En attendant, on a l’impression de participer à un remake de la pub pour les Krisprolls suédois !

Mais avant de partir, une dernière balade en vélo avant de prendre la route de Tallinn.

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10b, rue Elizabetes, Riga

C’est l’adresse du plus bel immeuble de Riga, ou du moins du plus impressionnant. Construit en 1903 par l’architecte Eisenstein (le père du cinéaste), c’est un exemple incroyable de l’Art nouveau, digne des plus beaux fleurons de Prague ou de Bruxelles. On pense aussi à Gaudi à Barcelone.

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C’est en fait tout le quartier qui est époustouflant. la rue Alberta est une merveille, du début à la fin. Plusieurs de ces immeubles sont aussi l’oeuvre d’Eisenstein. On ne sait vraiment pas où donner de la tête pour tout voir.

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Bref, vous l’aurez compris, Riga vaut le voyage !

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La Lettonie, à l’ombre du géant

Prenez un Duc de Courlande d’origine allemande, régent de la Lettonie pour le compte de la Russie, Ernest Von Biron, un peu mégalo, un architecte italien, Bartolomeo Rastrelli, à qui on doit le palais de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, deux tsarines Anna et Catherine II et leurs amants, des intrigues inextricables de palais – Von Biron passera 22 ans en Sibérie avant de revenir en grâce- et vous avez le plus beau château que nous ayons croisé sur notre chemin : le palais de Rundale, à 100km au sud de Riga.

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Ce palais est sans doute un avant goût de ce que nous allons découvrir à Saint-Petersbourg.

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Il est très élégamment décoré, loin de la lourdeur de bien des châteaux de par chez nous.

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En tous cas, il est symbolique de la main mise russe sur ce petit pays qu’est la Lettonie.  Celle-ci est née officiellement il y a seulement 100 ans. Riga date cependant de 1200, mais la ville a longtemps été allemande et le pays occupé par de puissants voisins. La Russie, elle, s’est installée en 1710 à Riga, puis a occupé tout le territoire en 1795, et n’a lâché l’indépendance du pays qu’en 1920. Riga a longtemps été la troisième ville la plus importante de Russie après Moscou et Saint-Petersbourg.

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Entre 1944 et 1991, les Russes sont de retour, font de ce petit pays de 2 millions d’habitants une des républiques de l’URSS et installent la flotte russe de la Baltique à Liepaja. Ils interdisent la langue lettonne et mènent une politique de peuplement, dont le résultat sera que les Lettons se retrouveront pratiquement minoritaires dans leur propre pays en 1991.

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Les derniers soldats de Moscou n’ont quitté le pays qu’en 1999 et aujourd’hui encore les Russes représentent 30% de la population et même presque 50% à Riga !

Comme les Lituaniens et les Estoniens, les Lettons ont rejoint l’UE en 2004, mais surtout l’OTAN. Avec Poutine aux commandes au Kremlin et ses annexions brutales en Géorgie et en Ukraine, et l’intérêt militaire et économique des ports lettons – libres de glace toute l’année-, ce confetti face au géant russe n’est pas très rassuré.

Alors, quand ce fou de Trump a déclaré qu’il n’engagerait peut-être pas les Etats-Unis en cas d’agression des Russes dans les pays Baltes, remettant en cause les fondements même de l’OTAN, c’est un peu la panique chez les Baltes et les Lettons en particulier.

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En attendant, la vie continue.

Dimanche, c’était la foire de la Saint-Michel dans le centre de Riga , sous un ciel gris, avec un grand marché de produits locaux sur fond de danses folkloriques.

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Et pendant ce temps, sur scène, on dansait sous la pluie…

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La pluie, une bonne excuse pour se réfugier dans un bar et profiter des excellentes bières locales, servies avec un sourire, avant de partir à la découverte du Riga Art nouveau.

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Mais cela sera l’occasion du prochain épisode.


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La Colline aux 100 000 croix

La Lituanie est plate comme un hareng de la Baltique. Les sommets les plus escarpés culminent à 294 m, soit bien moins que les Monts d’Arrée ! Les paysages voient se succéder des forêts, des grands champs à perte de vue et des centaines de lacs. Aussi, chaque butte un tant soit peu visible gagne le titre de colline et peut servir de totem dans le paysage.

C’est le cas de la Colline des Croix, au nord du pays, près de la ville de Siauliai.

Depuis le XIVème siècle, elle sert de lieu de pèlerinage pour les catholiques. Au cours du temps, de nombreuses croix, des crucifix, sculptures, rosaires, statues de la Vierge y ont été apportés par les pèlerins.

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Avec l’intégration forcée dans l’URSS en 1944, ce lieu a pris une autre dimension, celle de la résistance passive à l’occupant. Les Lituaniens ont continué à se rendre à la Colline afin d’y déposer des offrandes et montrer leur attachement à leur identité, leur religion et leur racines. Ainsi, malgré l’acharnement des Soviétiques à retirer les nouvelles croix et à raser le site au bulldozer (au moins par trois fois), à chaque fois de nouvelles croix ont continué à apparaître. En 1985, les autorités soviétiques ont renoncé à retirer les croix.

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Et cela a continué de plus belle jusqu’à aujourd’hui ! Touristes ou pèlerins continuent à garnir la colline de croix de toutes tailles et de toutes factures. On estime à plus de 150 000 le nombre de crucifix présents sur le site. Des chemins ont été tracés entre les croix, mais on ne sait pas où donner de l’appareil photo pour rendre compte de ce dédale incroyable.

Cette vidéo trouvée sur Youtube permet de prendre la mesure du phénomène.

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S’y promener à la tombée de la nuit rend le site encore plus fantomatique, surréaliste.

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Nous, on a eu l’impression de traverser une énorme monument païen, habité par des esprits. Faut croire qu’on n’est pas de bons catholiques, comme l’inévitable Jean-Paul II qui est venu apporter sa croix et y dire une messe en 1993.

Un règlement affiché à l’entrée précise que chacun peut y déposer sa croix, mais que si l’on souhaite en ériger une de plus de 3m de haut, il faut s’adresser au gardien qui vous indiquera le meilleur endroit pour cela. Avis aux amateurs.

 


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Des diables et des sorcières

Après Vilnius, nous avons mis cap à l’ouest pour retrouver les côtes de la Baltique. La première étape a été pour Trakaï et son château sur une île au milieu d’un lac.

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Trakaï est aussi la petite ville où vit une minorité très particulière, les Karaïs. Ce sont les descendants des 300 soldats et leur familles « importés » par le grand-duc Vytautas à la fin du XIVème siècle pour lui servir de gardes du corps. Originaires de la Mer Noire et turcophones, ils ont conservé leurs traditions juives un peu particulières. Ils tiennent quelques restaurants en ville dans de très belles maisons en bois.

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Après une bonne nuit au bord de l’eau d’où nous avons pu admirer un nouveau passage de montgolfières (est-ce un sport national?), direction Kaunas, la deuxième ville du pays.

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La vielle ville est sympa mais sans surprises.

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Par contre on y a visité deux musées intéressants. Le premier est consacré au peintre et musicien MK Curlionis. C’était une complète découverte pour nous, même si ses peintures symbolistes du début du XXème siècle ont donné lieu à une exposition à Orsay en 2006.

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On note de manière récurrente la présence d’anges dans ses tableaux. Faut-il y voir un clin d’oeil involontaire au Musée des Diables qui fait face à cette galerie, de l’autre côté de la rue ?

Antanas Zmuidzinavicius, décédé en 1966, avait une passion : les diables ! Il les a collectionnés toute sa vie et en a fait un musée assez étonnant. Sur 3 étages, des centaines de démons nous regardent dans leurs vitrines, sur les murs, ou en pleine action vis à vis des humains. On pourrait paraphraser Pierre Perret car il y en a pour tous les goûts : des durs, des mous, des au grand cou, des gros touffus, des p’tits joufflus, des grands ridés etc…

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Les plus étonnants sont sans doute deux statues de diables au dessus d’un tas de têtes de morts: Ce sont Hitler et Staline se battant pour la terre lituanienne.

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Après une nuit à Kaunas au camping (54.6803 25.2260, 22€), on a rejoint la Baltique, ou plutôt le bord de la lagune protégée par l‘isthme de Courlande. Le village de Senté est un bout du monde au bord de l’embouchure du Niemen, et un passage obligé pour les oiseaux migrateurs du nord de l’Europe. Une station ornithologique essaye de les compter et de les baguer en les capturant dans d’immenses filets.

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Malheureusement, à part des corneilles, des canards et quelques hérons, on n’a rien vu. Ils sont sans doute déjà partis vers l’Afrique.

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Mais on a quand même eu droit à un magnifique coucher de soleil. Dans notre imaginaire, les rives de la Baltique étaient plutôt grises et tristes : erreur ! Il y a ici une luminosité pâle mais intense et très belle.

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Le cordon de sable de l’isthme de Courlande, de quelque 90 kms de long, dont 50 en Lituanie et le reste dans l’enclave russe de Kaliningrad, protège la lagune de l’assaut des tempêtes hivernales. La légende veut qu’il soit l’oeuvre de la princesse Néringa, qui fatiguée de voir les vagues mettre en péril les pêcheurs, a rassemblé du sable dans ses mains et l’a déposé au large. C’est aujourd’hui un parc national planté de forêts de pins et comptant les plus grandes dunes du pays (50 m de haut quand même !) que nous avons escaladées sous un crachin breton.

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Nous avions rendez-vous dans le joli village de Juodkranté, aux maisons de bois, avec Gintaré, une sympathique couchsurfeuse qui nous a offert de garer le camping car dans son jardin.

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Nous avons passé une soirée très agréable avec elle autour d’une bouteille de vin californien et elle nous a fait découvrir un lieu au dessus du village qu’on n’aurait sûrement pas trouvé tout seuls : la colline des sorcières.

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Sur un parcours de 2 ou 3 kms sous les pins, des dizaines de sculptures taillées dans des troncs de chêne nous attendent au détour du chemin. La thématique est simple : c’est celle des contes et légendes lituaniennes, qui font la part belle aux diables (encore!) et aux sorcières. La première statue est bien sûr celle du conteur, puis on découvre la femme du pêcheur, les douze corbeaux, la reine des serpents, la sorcière gardienne de la forêt, le chasseur de lièvres, plusieurs représentations de Néringa, le dragon, la gardienne de l’eau, le dieu tonnerre, les danseurs et musiciens, Lucifer et les portes de l’enfer et plein d’autres sorcières et démons.

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Chacune de ces statues raconte une histoire, comme par exemple la pluie de grenouilles.

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Il était une fois une apprentie sorcière (avec des couettes) qui devait passer ses examens. Elle avait été peu studieuse et ne retrouva pas la formule magique pour faire tomber la pluie. Elle ne réussit qu’à faire tomber une pluie de grenouilles et dut redoubler sa classe !

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On aime aussi beaucoup le jeu de cartes entre un diable et une sorcière. On est passés sans savoir qui a gagné finalement.

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Même les bancs sont sculptés et les jeux d’enfants sont à base de troncs d’arbre. Ils sont d’ailleurs assez solides pour supporter des adultes ! On les a bien sûr testés pour vous.

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La Lituanie a été le dernier pays d’Europe à être christianisé en 1387. Faut-il y voir là la raison de la persistance de ces histoires fantastiques  et de cette fascination pour les démons et les sorcières ? En tous cas, Chon se voyait déjà organiser des balades contées dans ce cadre magnifique !

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Les mariés de Vilnius

La Lituanie compte 3 millions d’habitants et 500 000 habitent Vilnius. Un caprice du GPS nous a fait traverser des banlieues d’immeubles pas bien gaies, pas bien riches mais bien soviétiques, pour nous amener sur un parking (N54°41’53,55 »   E25°17’37,356  », 6€ la nuit) très bien placé en centre-ville, au pied de la colline du château, près d’un parc.

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Le centre-ville est finalement assez petit et se parcourt à pied sans problème. Le musée national, installé dans le « château inférieur », la cathédrale et la statue de Mindaugas, le fondateur du grand duché de Lituanie en 1236, servent de point de repère. Celle-ci a remplacé une de celles de Lénine que nous avions saluée à Grotos Park.

Après sa fondation en tant que royaume indépendant, la Lituanie a connu un âge d’or aux siècles suivants. Son territoire s’étendait de la Baltique à la Mer noire, englobant une grande partie de la Biélorussie et de l’Ukraine actuelles, soit au maximum de son apogée au XVème siècle sur une surface 12 fois (si, si!) plus grande que la Lituanie actuelle !

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La place est entourée de bâtiments massifs, abritant sans doute des administrations. La cathédrale elle-même est énorme, avec une façade vaguement grecque. L’intérieur est sans grand intérêt, la nef étant supportée par d’énormes piliers carrés qu’on imagine en béton. Dans la chapelle Saint-Casimir sur le côté, le rococco a encore frappé !

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Le charme opère par contre dès qu’on s’écarte de ces grandes avenues et qu’on se perd dans les petites rues piétonnes. On découvre de belles maisons baroques, souvent peintes de couleurs pastel, ou avec de jolies façades en briques.

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On a vraiment l’impression d’une balade dans une petite ville calme et tranquille. L’église Sainte Anne, adossée à l’ensemble du monastère franciscain est assez étonnante avec ses colonnades de brique rouge. Napoléon, en route pour Moscou, voulait la démonter et la ramener à Paris. Au retour, en repassant par Vilnius avec son armée en débandade, il avait d’autres chats à fouetter. On n’y est pas rentré, pour cause de mariage en cours.

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Dans la rue Literatu, une centaine de plaques avec des citations rappellent le souvenir des grands écrivains de la littérature mondiale.

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La rue Pilies est la rue principale -et touristique- du vieux Vilnius. Il fait bon s’y promener sans se presser, devant les boutiques de souvenirs d’ambre. Ici encore, l’ambre est roi et proposé sous toutes ses formes. C’est un peu l’or de la Baltique, et depuis les villes côtières de Pologne, nous avons l’embarras du choix entre colliers, bagues, pendentifs et autres bateaux miniatures. On peut même s’offrir des coupe-ongles et des clés USB plaquées d’ambre !

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Si l’on se balade le nez au vent, on ne peut pas manquer les clochers des églises. Il y en a partout, au détour d’une rue, au bout d’une place, en haut d’une colline. Depuis le haut de la butte du château, on en a compté 25 !

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Comme en Pologne, la communauté juive était importante en Lituanie avant la guerre. Elle formait la moitié de la population de Vilnius. Elle a été entièrement décimée par les nazis et les soviétiques ont terminé le travail en rasant entièrement le ghetto lorsqu’ils ont annexé le pays en 1944. Il n’en reste rien, sinon un lacis de petites rues piétonnes assez bobos. On sent que c’est devenu un secteur résidentiel chic.

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L’Université de Vilnius est sur tous les guides touristiques comme un must à visiter. Elle occupe tout un quartier et est organisée autour de 13 cours intérieures qui communiquent entre elles. La aussi c’est le calme absolu. On dirait bien que les cours n’ont pas encore commencé.

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L’église de l’Université nous a réservé une belle surprise, avec son choeur, ou plutôt sa dizaine de choeurs. On a l’impression d’une construction en 3D. Malheureusement, ce jour-là on avait oublié l’appareil photo et les photos ci-dessous sont extraites d’internet.

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La petite librairie de l’université est étonnante avec son plafond bas vouté couvert de fresques en l’honneur d’illustres professeurs.

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D’autres fresques couvent entièrement l’intérieur d’une pièce assez mystérieuse dans le bâtiment des études lituaniennes. Un graphiste, Petra Repzys, l’a entièrement décorée de personnages et de scènes surréalistes dignes d’une BD. C’est très bizarre. On a vraiment regretté l’appareil photo !

Lithuania, Vilnius, University (19th-20th century), Frescoes by Petras Repsys, stations of life (1976-1985)

Lithuania – Vilnius – University – Frescoes by Petras Repsys

En rentrant « chez nous », on est passé par le quartier « alternatif » d’Uzupis, qui s’est proclamé république indépendante, et fourmille d’ateliers d’artistes. Quartier branché et très agréable le long de la rivière.

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Et pour finir la journée en beauté, on a eu droit à un lâcher de montgolfières dans le ciel de Vilnius, et une photo de mariés !

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Prochain billet : Des diables et des sorcières !


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Des Lénine et des lamas

En 1991, la petite république de Lituanie profite du démantèlement de l’URSS pour recouvrer son indépendance, après 45 ans d’intégration forcée dans l’Union soviétique. Mais comment se débarrasser de ce passé (360 000 lituaniens, soit près de 10 % de la population, sont passés par le Goulag), sans oublier ces années terribles ? Et que faire des centaines de statues de « héros » soviétiques qui marquent l’espace public, une fois descendus de leur piédestal ?

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C’est Viliumas Malinauskas, ancien directeur de Kolkhoze et nouveau milliardaire lituanien, dont le père est mort au Goulag, qui gagne le concours organisé par le Ministère de la Culture pour un musée rassemblant ces témoins encombrants des années noires et installe un musée en plein air près de la frontière biélorusse.

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Le « roi de l’exportation de champignons » n’a pas fait les choses à moitié. Sur 20 ha pas moins de 90 sculptures attendent le visiteur. Les légendes retracent le parcours politique de chaque « héro » et illustrent bien la dictature mise en place.

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Mais ce n’est pas tout. Malinauskas a voulu recréer une ambiance de camp sibérien, en entourant le parc de barbelés et de miradors ! Il voulait même organiser des tours depuis Vilinus en embarquant les touristes dans des wagons à bestiaux gardés par de faux soldats soviétiques en uniforme. Le Ministère a dit non ! La locomotive frappée de l’étoile rouge et les wagons sont tout de même en place à l’entrée du parc, près des balançoires et jeux pour enfants.

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Le jour de l’inauguration en 2004, les visiteurs ont été accueillis par un faux Lénine en chair et en os, tenant une gerbe de blé, un Staline (un peu maigrichon, d’après les photos exposées à l’entrée) et par des « pionniers » chantant la grandeur de l’URSS.

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Le chemin dans la forêt est finalement sans surprise : les statues sont bien telles qu’on les imagine.

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Pour parfaire l’ambiance, des bâtiments de bois « sibériens » proposent des reconstitutions de la vie sous le joug soviétique : salle de réunion avec pupitre pour les discours, bureaux du commissaire politique, bibliothèque.

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Il y a même des tapis à l’effigie de Lénine. On a beaucoup aimé le Marx en pâtre grec (ou est-ce un Ben-Hur? un Moïse ? un Moustaki ?), le Staline au Taj Mahal et le Lénine vaguement pop-art allongé entre deux cages à oiseaux.

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Au restaurant, des serveuses en chemise blanche et foulard rouge autour du cou proposent un menu d’époque : une soupe de betteraves Nostalgjia, des boulettes de viande Adieu Jeunesse, des plats de poisson et oignons à la russe arrosés de cocktail de canneberges Souvenance ou de vodka CCCP.

La boutique de souvenirs n’est pas en reste, avec des réveils, des chopes, des mugs et autres magnets, à l’effigie des « grands hommes », de Marx à Brejnev, avec une nette prédilection pour Lénine et Staline.

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Ne manquant décidemment pas d’idées, notre roi du champignon a ajouté à son parc un zoo, assez minable, où un zèbre, un chameau, des oiseaux dans une volière -remarquable collection de races de poules- , un porc épic, des autruches, s’ennuient à mourir à côté des Lénine, Staline et autres apparatchiks lituaniens. Dans son enclos de béton, un ours est affalé à l’ombre, face à des sculptures de Blanche neige et ses sept nains.

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Le tout est ponctué de chants à la gloire de l’URSS distillés depuis des miradors

Près de l’entrée, dans un enclos entouré de barbelés, et surveillés par un mannequin en uniforme depuis son mirador, cinq lamas et trois émeus cohabitent avec un Lénine entouré de deux camarades lituaniens.

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Que penser de ce capharnaüm d’un goût très douteux ? Le moins qu’on puisse dire c’est que le parc n’a pas fait l’unanimité à son ouverture chez les Lituaniens. Si certains ont retrouvé (avec peut-être un peu de nostalgie?), l’ambiance de leurs années de jeunesse, d’autres ont trouvé scandaleux cette évocation des années terribles de l’occupation russe.

Pour des touristes français, c’est avec un rire un peu nerveux qu’on parcours le parc. C’est certains que pour les lituaniens ce ne doit pas être la même chose.

Le seul, finalement, qui semble s’en ficher complètement, c’est le Lénine de granit dans son enclos animalier. Il reste de marbre ainsi que ses compagnons de captivité : on voit bien que Vladimir Illich et ses émules sont peu émus par les émeus.

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13 mars-12 septembre

Eh oui, déjà 6 mois de balades européennes. Demain, nous passons en Lituanie. puis ce sera la Lettonie, l’Estonie, un ferry pour Helsinki pour retrouver des amis, puis 3 jours à Saint-Pétersbourg (c’est possible sans visa russe !) et retour à Helsinki.

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Le 12 octobre, dans un mois tout juste, on embarque sur un ferry direction Travemünde en Allemagne.

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On devrait être à Strasbourg autour du 15 octobre.

Nous sommes en pleine forme et notre vaisseau spécial aussi !

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Dans la tanière du loup

Mais où se cachait Hitler pendant la guerre ? A Berlin ? sur son nid d’aigle en Bavière ? S’il y est passé de temps en temps, il a surtout passé plus de 800 jours de juin 1941 à décembre 1944 au fin fond de la Pologne, près de l’enclave russe actuelle de Kaliningrad et de la frontière lituanienne, dans une forêt profonde, loin de toute ville.

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Il y a installé son QG et les principaux  chefs nazis,  Bormann, Göring, Keitel, Speer, Von Ribbentrop. Himmler avait sa résidence tout près. Hitler a  lui-même baptisé son camp retranché la Wolfsschanz,  la Tanière du loup, Wolf’s lair en anglais. Cachés sous les arbres, leurs bunkers, eux même recouverts d’herbe, n’ont jamais été repérés par les Alliés. Une ligne de chemin de fer assurait la liaison avec un aérodrome à quelques kms, qui permettait de rejoindre Berlin.

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C’était en fait une ville de 2000 personnes, dont 500 officiers nazis, qui s’affairait sous la protection de la forêt. Beaucoup de bâtiments en bois ont disparu. Restent les bunkers des principaux dirigeants et des hangars.

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Il est difficile de visualiser comment fonctionnait ce camp fortifié. Il a fallu 10 ans pour nettoyer les 50 000 mines laissées par les Nazis en partant en catastrophe en janvier 1945 devant l’avancée de l’Armée Rouge, après avoir fait sauter le site.

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Bunker d’Hitler

On se promène sous les frondaisons et au hasard de la balade, on découvre un fortin écroulé, un bout de mur, et soudain une trentaine d’énormes bunkers dynamités, ceux des dignitaires et bien sûr le plus impressionnant est celui du chef. On passe aussi devant celui de Göring, de Keitel et celui des invités, cachés dans les arbres.

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Bunker d’Hitler

Celui d’Hitler est énorme, avec des murs et toit de 6m d’épaisseur. On a du mal à croire qu’il y avait 600 m2 habitables, avec un appartement et des salles de réunion. En pénétrant dans les couloirs (le reste est effondré), on est au coeur du réacteur nazi, et de la machine infernale née de la folie d’Hitler. Et tout paraît si bucolique alentours !

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On passe aussi devant les fondations du bâtiment en bois où a eu lieu l’attentat contre le Fürher le 20 juillet 1944. Une bombe placée sous la table par un officier allemand  a tué plusieurs généraux mais seulement blessé légèrement Hitler.

Hitler-Attentat, 20. Juli 1944

attentat du 20 juillet 1944

Il parait qu’il commençait ses journées par une promenade seul avec son chien, un peu comme on l’a fait nous aussi sous les premières couleurs de l’automne polonais. C’est une impression étrange, de paix mêlée d’effroi, que de marcher sur ces chemins forestiers, au milieu de ces ruines.

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Derrière le parking, un espace agréable sous les arbres est prévu pour les camping cars. On avait prévu d’y passer la nuit. Sauf que…

Le dernier bâtiment que l’on voit dans le parcours est un hangar qui servait de garage. C’est aujourd’hui un stand de tir où un type en treillis vous invite à tirer sur des bouteilles ou des écureuils en carton pour quelques zlotys.

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Effet garanti ! C’est pour cela qu’en arrivant sur le parking on a entendu des tirs d’armes automatiques. On peut s’éclater avec des mitraillettes de l’époque ! Et si cela ne suffit pas, on peut se faire promener sur le site en véhicule SS, piloté aussi par un gars en vert-de-gris ! quel romantisme ! Manquait juste la croix gammée sur les véhicules.

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Qui peut bien jouer à cela ? des nostalgiques ? des inconscients ? des malades ? En tous cas, ceux qu’on a croisés dans leur véhicule blindé semblaient aussi tranquilles que dans une calèche à Cracovie ou Marrakech.

Cela nous a fichu la nausée, et on n’a pas pu rester pour la nuit. Exit la Wolfsschanz, et direction une pelouse près d’un lac à 10 km.

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Kolejka, le Monopoly communiste

A Gdansk, nous étions hébergés chez Krystyna, une couchsurfeuse de notre âge, enseignante d’arts plastiques à la retraite.

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Nous avons passé avec elle deux soirées passionnantes, dont l’une à jouer à Kolejka.

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Kolejka veut dire la Queue en polonais, et c’est aussi un jeu de société !  Le but du jeu est d’acheter ce dont on a besoin pour vivre en faisant la queue devant les magasins. C’est une plongée dans le quotidien des Polonais avant 1989. D’après Krystyna, c’est vraiment comme cela que cela se passait.

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Sur le plateau de jeu, il y a 5 magasins : alimentation (spozywczy), électro-ménager (rtv-agd), meubles (meble), vêtements (odziez) et kiosque (kiosk).

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En début de jeu, chaque joueur tire une carte qui lui donne la liste des objets qu’il va devoir essayer d’acheter : par exemple 4 produits alimentaires, 2 meubles, 3 vêtements et 1 appareil ménager.

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Chaque joueur dispose de 5 petits personnages de couleur, censés représenter sa famille, parents, grands-parents, qu’il peut mobiliser pour aller faire la queue.

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Le rythme du jeu est basé sur la journée. Une journée fait 3 tours de plateau . Cela veut dire que l’on joue  3 fois, chacun à son tour, en posant à chaque fois un membre de sa famille dans une file, en fonction de ses besoins. En « fin de journée », les premiers d’une file pourront acheter un objet dans la boutique.

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Cela pourrait sembler très statique mais ça se corse ! Les produits  dans les boutiques sont découverts après le positionnement des gens dans la queue. 3 cartes sont tirées après que la queue soit formée. Par exemple, sur la photo ci-dessus, le lundi, on voit qu’il n’y a à vendre que 3 objets de bricolage, 3 articles de consommation et 2 appareils ménagers. Cela veut dire que si vous faites la queue pour des vêtements, il n’y aura rien aujourd’hui ! Mais peut-être demain ? Aussi le soir, à la fermeture, on peut choisir de se retirer d’une queue vide (mais qui sait si demain…) ou y passer la nuit au cas où…

L’élément central de ce jeu, ce sont les attributs que les joueurs tirent aussi au hasard chaque matin. Ce sont des personnages qu’ils vont pouvoir incarner ou des actions qu’ils vont pouvoir faire dans la journée. Ils sont aussi au nombre de 3, tirés au sort parmi ceux-ci :

  • Je suis une femme enceinte ou j’ai un bébé avec moi : en abattant cette carte, je peux passer en tête d’une file où je me trouvais déjà.
  • J’ai un copain dans le personnel du magasin : il va me vendre quelque chose sous le manteau.
  • J’ai un copain au Parti : je vais pouvoir regarder à l’avance ce qui va arriver demain sur les étagères et agir en conséquence.
  • C’est mon jour de chance : je peux remonter à la deuxième place de ma file parce que les autres me font une fleur car ils me connaissent.
  • Il y a eu erreur de livraison (il paraît que cela arrivait) : je peux par exemple déplacer un appareil ménager et le mettre en vente dans la boutique de vêtements si je suis premier de cette file et que j’ai besoin d’un épluche légumes !
  • Je suis un tel mauvais coucheur, tellement irascible que l’on me laisse tricher d’une place dans la file pour avoir la paix.
  • Je suis membre de la police secrète et je pointe une personne dans la file que je dénonce comme critique du système : cette personne perdra 2 places. (Si par exemple j’étais deuxième, je me retrouve donc en tête de queue.)
  • J’ai une carte Remanent (Inventaire) que je peux abattre à tout moment sur un magasin : dans ce cas là il est fermé brutalement jusqu’au lendemain. Cela peut bloquer un joueur qui allait gagner.

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La queue est donc une mini-société de personnes qui se déplacent (ou non) en attendant de pouvoir entrer dans un magasin achalandé (ou non), en fonction de toutes ces interactions.

Après les 3 tours correspondant à une journée, les heureux élus peuvent acheter le produit présent dans le magasin, s’il existe. Et si ce n’est pas ce qu’on recherchait ? il vaut mieux repartir avec une paire de chaussures, même si on cherchait des fauteuils, car il n’y a rien de pire que de repartir sans rien : on pourra toujours essayer de les échanger ensuite (cela aussi est prévu par le jeu). Les autres peuvent choisir de s’entêter et passer la nuit devant la porte, ou rentrer chez eux pour ensuite, le lendemain matin se repositionner ailleurs, avec 3 nouvelles cartes d’interaction, mais à la fin de la queue  !

J’allais oublier qu’il y a aussi des personnages maléfiques, les Speculators. Habillés de noir comme Dark Vador, ils achètent tout et n’importe quoi pour les revendre au marché noir !

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Celui ou celle qui a gagné est bien  sûr le joueur qui a acheté tous les articles qui étaient sur sa liste.

D’après Krystyna, tous ces détails sont basés sur la réalité des files d’attente quotidienne pendant la période communiste, surtout les dernières années où les Polonais manquaient de tout.

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Krystyna nous a ainsi raconté que, par exmple,  pour obtenir des meubles pour son appartement (une seule gamme était disponible), elle a fait la queue 3 jours et 3 nuits de suite, laissant ses enfants à la garde de sa tante !

En 1985, il y a eu un moment où on ne trouvait plus que des bouteilles de … vinaigrette dans les magasins d’alimentation. Il a même fallu qu’on interdise d’acheter plus de 2 bouteilles à la fois, car certains en achetaient 5 pour les revendre au marché noir !

Avec toute cette tension, il arrivait que des amis puissent se fâcher pour une place dans la queue. Et certains trichaient, par exemple en habillant chaudement une poupée, l’hiver, dans un landau, pour contourner la file d’attente.

Ce jeu est un peu comme un Monopoly communiste. Il faut l’avoir vécu pour inventer un jeu pareil ! En jouant avec quelqu’un qui vous raconte son quotidien de l’époque, il devient d’autant plus réaliste, stressant, mais aussi  passionnant.

La Pologne, qui aujourd’hui ressemble à n’importe quel pays d’Europe de l’Ouest, revient de loin.

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Au fait, devinez qui a gagné ? Krystyna bien sûr, avec ses 20 ans de pratiques des files d’attente dans la vraie vie !

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