Daniel et Chon

Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront (René Char)


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Fin de partie

Nous avons fait un saut de puce de 850 kms en avion depuis Da Nang pour atterrir dans la chaleur de Saigon. Ici tout le monde -sauf les panneaux routiers – continue de parler de Saigon et non de Ho Chi Minh Ville.

Cette agglomération de 14 millions d’habitants est bien telle qu’on l’avait lu : bruyante, trépidante, industrieuse, grouillante de vie.

On a l’impression qu’il y a plus de motos que d’habitants. Paradoxalement, ce n’est pas difficile de traverser à pied, et sans doute moins dangereux qu’en Europe. Les motos et scooters ne vont pas très vite et louvoient à droite ou à gauche quand ils vous aperçoivent. Chon, qui déteste les passages cloutés, était à son affaire !

On s’est offert une longue promenade un peu au hasard, avant de tomber sur la fameuse poste centrale. On s’attendait à un bâtiment colonial de plus comme il y en a beaucoup dans l’ancienne Indochine française, mais là, c’est une pure merveille !

Marianne continue de surveiller la ville depuis le fronton mais à l’intérieur, c’est l’Oncle Ho qui l’a remplacée.

Malgré la forte présence de touristes -c’est une visite incontournable à Saigon- elle est toujours en activité, et les « demoiselles des postes » sont derrière le comptoir, même si elles travaillent maintenant sur ordinateur.

Les cabines téléphoniques semblent attendre encore les clients, même s’il n’y a plus de combinés !

Face à la poste, la cathédrale a des airs de néo-roman.

Saigon est un mélange étonnant de souvenirs de l’Indochine, de petites échoppes et d’immeubles flambants neufs.

Libéralisme économique et slogans révolutionnaires (même les curés et les bonzes sont mobilisés sur les affiches !) se combinent sous le sourire omniprésent du père de la nation.

En fait, Saigon n’a été qu’une étape de transition vers notre destination finale, le delta du Mékong, et la région de Ben Tre en particulier.

Cocotiers et bananiers. ce n’est pas le titre d’une chanson de Joséphine Baker, mais bien le quotidien des gens du delta.

Les petits ateliers familiaux de traitement des noix de coco sont partout.

Se balader sous les palmiers et la végétation tropicale, sur les petits chemins cimentés qui sillonnent la campagne, est un plaisir sans fin. Les gens qu’on croise, à moto ou en vélo, ont tous un sourire et un hello pour nous.

L’eau est partout : grands bras du Mékong, rivières, canals, rigoles, bassins de toutes tailles.

Et c’est en pirogue qu’on découvre le mieux ce paradis vert.

Voilà trois jours de détente bienvenus pour nous qui commençons à fatiguer. Puis ce sera le grand retour !

Notre guesthouse gardera quand même un souvenir de nous : La deuxième sandale de Chon, volée par le chien de la maison et planquée quelque part dans le jardin !

 

 

 

 


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De Hué à Hoi An

Laissant derrière nous Quang Tri et les souvenirs de la zone démilitarisée, nous voici à Hué, la cité impériale, à une heure de train plus au sud.

La citadelle forme un grand carré de dix kms de périmètre, entouré de douves. A l’intérieur deux enceintes successives protégeaient la résidence de l’empereur.

En 1968, les Vietcongs ont violemment attaqué la ville – la fameuse offensive du Tet – et les combats ont détruit pas mal de bâtiments historiques de la citadelle. Certains ont été réhabilités, laissant entre eux de grands espaces verts très agréables pour la balade.

L’architecture est radicalement d’inspiration chinoise et rappelle le Temple de la Littérature de Hanoï, mais sans le grondement de la ville à l’extérieur.

La grande salle centrale qui renferme les cendres des empereurs est magnifique.

Disons tout de suite qu’avec la forte chaleur, et aussi peut-être avec une certaine lassitude (encore un temple !), on n’a pas joué les touristes pro, guide à la main, et regards attentifs à tous les détails de tous les monuments. On a tranquillement déambulé entre cours et jardins.

On a quand même levé un mystère. Toutes ces inscriptions en caractères chinois sur les frontons, les porches, les salles, les jarres sculptées, ne sont pas du Chinois, mais du Vietnamien !

En fait il s’agit de caractères chinois standards auxquels ont été rajoutés quelques caractères spécifiques. Les locaux appellent cela l’écriture Han.

C’est au milieu du XVIIème siècle qu’un missionnaire français, Alexandre de Rhodes a mis au point leur translittération en lettres latines. Enfin, pas tout à fait car il lui a fallu rajouter énormément de diacritiques tout autour des lettres. Il a bien fallu signaler les six tons possibles dans la langue ! Par rapport au Vietnamien, nous ne faisons pas le poids avec nos cédilles et misérables accents sur les E !

Les Cambodgiens et les Laotiens se moquent des Vietnamiens à ce sujet, disant qu’eux au moins avaient conservé leur alphabet « en nouilles » !

Hué s’étire le long de la jolie rivière des parfums, et comme nous sommes maintenant les rois du scooter, on a aussi fait une belle virée dans la campagne.

On a beau être un peu lassés des visites de monuments, il faut reconnaître que la pagode Thien Mu vaut le détour. Idéalement placée sur une butte, elle domine le fleuve en haut de son escalier monumental.

La tortue est symbole de longévité, et vu notre âge canonique, on lui a demandé de nous soutenir !

Plus loin de Hué, une « vallée des tombeaux » regroupe les tombes de plusieurs empereurs Nguyen (la dernière dynastie vietnamienne). Nous avons choisi de visiter celle de Ming Mang. Bien nous en a pris, car le lieu est superbe.

Les bâtiments sont construits dans un parc magnifique, digne des estampes chinoises ou japonaises.

C’est sans nul doute le plus beau jardin que l’on ait vu au Vietnam.

Certains se prennent même pour des mandarins.

Mais Hué et le centre Vietnam, ce ne sont pas seulement de belles cités anciennes, mais aussi un haut lieu de la gastronomie ! et cela nous a réveillé les papilles !

Les galettes de riz sous toutes les formes possibles sont les reines de la cuisine.

Les Ban Béo sont de touts petits flans de riz garnis de crevettes hachées et de petits oignons frits. Génial.

Les Banh nam sont cuites à la vapeur et servis dans des feuilles de banane. Un vrai délice !

Sans oublier les incontournables Bun Bo Hué. A ce propos, on a appris que les « Bo Bun » qu’on trouve en France correspondent au même plat, mais appelé ainsi par les anciens de la diaspora. Ici seules les vieilles personnes emploient cette formule. Bun + Bo = Nouilles + Boeuf, tout simplement.

On a ensuite quitté Hué pour Hoi An, à une heure de voiture plus au sud, en suivant la très belle route côtière et le Col des Nuages. Mais on n’a pas pour autant quitté la gastronomie, car la ville est considérée comme la capitale de la bonne cuisine du centre Vietnam. Là aussi les galettes de riz sont partout…

…dans les délicates ravioles appelées « roses blanches » …

…comme dans les Wontons, mais cette fois-ci elles sont craquantes !

Merci à HLC et DL qui nous ont signalé ces deux plats divins.

Et ne pas oublier les fruits de mer, dont on ne mentionnera qu’une recette à tomber par terre, les pétoncles farcies. Un pur moment de grâce.

Hoi An est une magnifique petite ville, dont le centre historique est classé UNESCO. Il n’est pas très grand mais les maisons de bois sont superbes, et toutes les rues sont décorées de lampions multicolores.

Malheureusement, contrairement au centre de Luang Prabang au Laos, que nous avions adoré, nous avons eu beaucoup de mal à passer outre la foule des touristes et la multitude de boutiques de souvenirs. Le syndrome Venise ou Mont-Saint-Michel !

Des milliers de visiteurs arpentent continuellement les rues et le bord de la rivière. C’est vraiment trop !  Apparemment, des cars entiers venant des grands hôtels de Da Nang, trente kms plus au nord, déboulent tous les soirs pour d’innombrables selfies. Il faut des ruses de sioux pour prendre les maisons en photos sans avoir vingt touristes en premier plan.

Le charme réel de Hoi An a donc eu du mal à opérer et on s’est réfugiés sur la côte toute proche à An Dang dans une charmante guesthouse pour deux jours de farniente sous les palmiers et de baignades bien méritées.

30° à l’ombre et 25 dans l’eau. Elle est pas belle la vie ?

 


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DMZ

Une courte nuit en train couchettes (très confortable) et nous voici 400 kms plus bas au centre du Vietnam, à Dong Ha/ Quang tri, juste au sud de la zone démilitarisée (DMZ) et du 17ème parallèle.

Autant le dire tout de suite, c’est un peu une arnaque. Tout d’abord, on a eu beau cligner des yeux on n’a vu aucun parallèle, et les tours de la DMZ proposés aux touristes sont sans grand intérêt.

la DMZ s’étendait sur 6 kms de part et d’autre de la rivière Ben Haï , depuis la frontière laotienne jusqu’à la mer.

Photo by L’homme venteux – Own work, CC BY-SA ,https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15388426

La grande base US de Khe Sanh, à l’est dans les montagnes, avait vocation à verrouiller la piste Ho Chi Minh de l’autre côté de la frontière laotienne. En 1968, les 10 000 hommes de la base ont failli, après 75 jours de siège, subir le même sort que Dien Bien Phu. Il ne reste rien des installations, dynamitées par les Américains en partant en 1972. Quelques avions et hélicos placés là a postériori par les vainqueurs près de la piste d’atterrissage en latérite ont un peu d’intérêt. Bof.

Au milieu de la bande de terrain au sud de la DMZ, vue sur le « rockpile », un piton rocheux d’où les GI’s observaient le paysage. Bof.

Plus loin, vue sur un pont servant aux Vietcongs à infiltrer le sud. Bof.

By Pen war - Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9505259

D’après ce qu’on a lu, la seule chose vraiment intéressante, c’est la visite des tunnels de Vinh Moc. En route donc pour ce site, et en scooter cette fois-ci. La petite route côtière est magnifique sous le soleil et les plages, superbes et désertes, invitent à la baignade.

La région juste au nord de la DMZ a subi des bombardements massifs entre 1968 et 1975. Chaque habitant de la zone aurait reçu l’équivalent de sept tonnes de bombes sur la tête ! Beaucoup ont fui, sauf les combattants, et les habitants de quelques villages comme celui de Vinh Moc. Celui-ci donnait directement sur la plage et a ainsi servi de relais à la piste Ho Chi Minh maritime, qui longeait la côte depuis Hai Phong.

En vingt mois, en 1968, les habitants de Vinh Moc et les soldats Viecongs ont creusés à la pioche 4 kms de galeries souterraines pour se protéger des bombardements.

 

Le réseau s’étendait sur 3 niveaux, le premier -à 17 m de profondeur- servait aux militaires, le deuxième sous-sol aux familles des villageois, et le troisième servait d’entrepôts pour les les armes et les provisions.

Une cavité servait d’hôpital. On y trouvait aussi une salle de classe, une maternité – 17 bébés y sont nés- et chaque famille disposait d’un espace privé -le mot est un peu fort- de 2m X3m.

De leur côté, les soldats utilisaient les tunnels qui débouchent sur la plage pour alimenter en vivres et en armes l’île « nordiste » de Con Co, 30 kms au large. Ils naviguaient de nuit, sans lumières et à la rame afin d’éviter les obus de la septième flotte américaine.

Quand on voit ces tunnels et  la ténacité de ces gens à résister à la machine de guerre US, on comprend mieux comment ils ont pu mettre à mal la première puissance militaire de la planète.

Aujourd’hui, dans la campagne de la DMZ, il n’y a plus de trace des combats mais attention tout de même à ne pas sortir des terrains dégagés. Des milliers de bombes non explosées et de mines sont encore cachées dans le sol.  A Quang tri, une ONG payée notamment par le Département d’Etat US (dommages de guerre ?) et les Norvégiens  continue de sortir ces engins par dizaines de la terre vietnamienne. Pour combien de temps encore ? On déplore 8 000 morts depuis 1975 dans la province de Quang Tri à cause des mines, dont 31% d’enfants.

Mais aujourd’hui seuls les pêcheurs troublent les eaux cristallines de la mer de Chine avec leurs jolis bateaux pointus et leurs barques rondes en bambou goudronné.

La vie normale a repris à Vinh Coc.

 


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Rizières dans la brume

Après les merveilles du sud de la baie d’Ha Long, autour de l’île de Cat Ba, direction la « baie d’Ha long terrestre », autour de Nin Binh et de la petite ville de Tam Coc.

Deux jours de repos dans une adorable homestay et des balades autour des mêmes pitons rocheux qu’à Halong, les rizières remplaçant l’océan.

Cela fera (si on trouve le temps) l’objet d’un billet de blog.

Depuis Tam Coc, dès potron minet, nous avons enfourché nos fiers destriers, à savoir deux motos taxis, pour partir à l’assaut du parc naturel de Pu Luong dans les montagnes habitées par les Thaïs blancs et les Mongs.

Le long des petites routes en lacets, ce n’était que rizières en terrasses, forêts de bambous et de bananiers, et la jungle qui montait à l’assaut des montagnes.

150 (oui cent cinquante) kms plus tard on arrivait, le dos en vrac,  épuisés, mais heureux dans ce décor magique.

vue de notre fenêtre

Notre guesthouse nous attendait au milieu des champs, parmi les maisons traditionnelles des Thais blancs.

Nous ne savons pas pourquoi ils sont « blancs » et comme presque personne ne parlait anglais, cela restera un mystère.

Pendant deux jours on s’est baladés avec un guide dans des vallées toutes plus belles les unes que les autres, accueillis partout dans les villages et dans les champs par des bonjours et des sourires. Tout ce petit peuple des montagnes s’activait à repiquer le riz.

L’agencement de ces terrasses est fabuleux, et lorsque la rivière est en bas des champs, ce sont des norias entièrement constituées de bambou qui irriguent les champs les plus hauts. Une merveille d’ingéniosité.

L’eau est recueillie en haut des roues et diffusées par des canalisations en … bambou sur des centaines de mètres.

Ce détour par les montagnes, loin du tourisme de masse, restera comme un vrai moment de grâce, seulement un peu gâché par le temps.

En effet, la pluie et la brume étaient aussi au rendez-vous.

Bon d’accord, cela donnait un petit côté romantique à l’affaire, mais on aurait bien aimé un peu plus de lumière.

On vous laisse imaginer ce que cela pourrait donner sous le soleil.

Quant à nous, après cette escapade montagnarde, ce fut le retour, toujours à moto, et sous la bruine, vers Nin Binh où nous attendait un train de nuit pour nous mener à Dong Ha, juste au sud du 17ème parallèle. Nous sommes descendus de nos engins frigorifiés,  et les fesses en compote.

On f’rait pas ça tous les jours !

 


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A la pêche aux palourdes à Lanh Ha

Visiter la baie d’Ha Long est un incontournable de tout séjour au Vietnam. Par contre ce qui est contournable c’est d’éviter la foule et les dizaines de gros « bateaux-mouches » à étages qui partent tous du port de Ha Long et se suivent à la trace dans la baie.

Etant installés dans sa guesthouse à Hanoï, nous avons pu bénéficier des conseils de Mme Huong Thu qui est aussi la patronne très efficace d’une petite agence pour des périples hors des sentiers battus. Elle a donné son nom à son entreprise, Parfum d’Automne (c’est la traduction de son nom !) et nous a construit un programme sur une semaine, sur la mer de Chine puis dans les montagnes du parc national de Pu Luong. Parfum d’Automne est une organisatrice remarquable, vraiment à l’écoute des envies et moyens de ses clients, et parfaitement francophone, ce qui ne gâche rien. On la recommande fortement si vous voulez vous faire plaisir.

Elle possède trois belles jonques plus ou moins chics et chères. Nous avons opté -budget oblige- pour la plus simple.

Il s’agit d’un bateau de pêcheur de 7 m de long, sans cabine. Nous y avons passé 24 heures, avec une nuit sur un village flottant.

Tuan, le « capitaine », est un jeune homme adorable, présent, prévenant, mais aussi discret, pour nous laisser profiter du spectacle.

Nous n’avons pas sillonné la baie d’Ha Long a proprement parler mais la baie de Lan Ha, à quelques encablures au sud. Et le paysage y est aussi fantastique,.

Tuan nous a promené, comme toute croisière dans cette région du monde, entre les pains de sucre qui forment la baie. C’est absolument magnifique. Vaut le voyage, comme on dit dans les guides. Nous n’étions pas seuls, quelques grandes jonques profitaient aussi du spectacle. mais rien à voir avec la foule de navires de toutes tailles de la baie d’Ha Long plus au nord.

Nous avons eu la chance de découvrir une des activités majeures des habitants des villages flottants : l’élevage des palourdes.

Les touristes qui passent au large dans les gros bateaux ne s’en rendent pas compte, mais tout un petit peuple de pêcheurs vit de ce commerce.

Grâce au faible tirant d’eau de notre barque, et en prenant des kayaks, on a pu accoster au milieu de cette activité. Dans les eaux peu profondes, des dizaines de milliers de paniers remplis de sable servent de « nursery » pour les bébés palourdes, qui sont ensuite récoltés à maturité.

Les huitres sauvages sont aussi légion. On a eu la chance de rencontrer une vieille dame qui les ouvraient sur place d’un coup de piolet expert.

Devant nos yeux qui brillaient -enfin des touristes qui semblent connaître quelque chose à la pêche à pied- Tuan nous a emmené chercher nous-mêmes des palourdes dans le sable des grèves, et ramasser aussi d’énormes oursins. Là aussi, surprise de Tuan devant notre émerveillement. On est Bretons ou on ne l’est pas !

Du coup, il nous a concocté sur le bateau une omelette… aux oursins et une soupe aux huîtres.

Le soir, on a « atterri » sur une petite guesthouse flottante, avec quelques chambres. Dans la nuit, seules les lumières de quelques jonques et maisons flottantes de pêcheurs se dessinaient sur fond de pains de sucre. Irréel !

Nous y avons passé une nuit bercée, voire contrariée, par le bruit du clapot sous le plancher, après un repas de fondue aux légumes et fruits de mer sur la jonque, préparé par notre capitaine. Le pied absolu !

Le lendemain matin, Tuan nous a amené à une jetée dans une petite crique sur la grande île de Cat Ba, où nous nous sommes baladés à vélo pendant la matinée.

 

Puis ce fut le retour à travers la baie vers notre point de départ, le port principal de Cat Ba.

24 heures absolument magiques qui seront un des moments les plus forts de notre voyage.

Merci Capitaine Tuan et Mme Parfum d’Automne !


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Les Marocains d’Ho Chi Minh

De Hanoï, on n’aura pas vu grand chose ! Tourista et lumbago pour Daniel auront eu raison de nous pendant trois jours ! On a quand même découvert quelques pépites.

Le temple de la littérature témoigne de l’influence chinoise sur le Vietnam médiéval. Fondé en 1070, il avait pour mission de former les élites du pays.

C’est en fait une série de cours qui se suivent jusqu’au temple principal dédié à Confucius, et à l’Académie de formation. Dans cette première université du pays, tous les mandarins devaient passer des examens pour intégrer l’administration, comme dans la Chine impériale. Les listes des Docteurs est gravée sur des stèles de pierre, année par année, depuis le début. Pas de limite d’âge ! le plus ancien a obtenu son diplôme à 78 ans. tous les espoirs nous sont donc permis.

Après le calme du Laos, la circulation est assez incroyable. Chon est aux anges lorsqu’il faut zigzaguer entre les motos, les scooters et les voitures. Enfin un pays où on ne vous oblige pas à traverser dans les clous.

Le vieux quartier d’Hanoï est appelé le quartier des 36 corporations. Chacune des rues porte le nom d’une spécialité : rue de la soie (évident), mais aussi  rue de la ficelle et du carton, rue du sucre, rue des stèles funéraires. On doit avouer qu’on n’a pas trouvé la rue des vermicelles ! En réalité, les produits sont de plus en plus mélangés dans le quartier, et faits pour les touristes.

Photo: Alexander Mazurkevich/Shutterstock

La bouffe de rue y est beaucoup plus variée qu’au Laos, qui avait donc laissé des souvenirs sympathiques à Daniel. Le problème est de choisir où s’asseoir devant les milliers de bouis-bouis installés dans les rues, à l’hygiène quelquefois limite. On y mange bien, pour trois fois rien (cinq euros à deux !)

Faire le tour du lac Hoan Kiem, qui borde le quartier au sud, est un des plaisirs du soir. La pagode blottie sur un ilot boisé du lac est illuminée comme en plein jour.

Hanoï est aussi bien sûr la capitale du pays, et on ne peut pas faire l’impasse sur le père fondateur : Ho Chi Minh.

A son mausolée, superbe bâtiment stalinien, est accolé un musée grandiose. On peut faire l’impasse sur l’hagiographie dithyrambique de l’oncle Ho, mais ce sont les documents les plus anciens qui sont les plus intéressants.

Ho était membre du PCF pendant ses années étudiantes et présent au congrès de Tours de 1920 ! Depuis lors, il n’a cessé de se battre contre le colonialisme français puis la présence américaine au sud. Il est toujours visiblement vénéré par les vietnamiens.

C’est une amie marocaine en poste à Hanoï qui nous a raconté une anecdote assez étonnante : Ho Chi Minh, conscient de la présence de 50 000 maghrébins dans les troupes coloniales françaises, a sollicité par courrier le PC marocain pour l’envoi d’un cadre responsable pour faire de l’agit-prop auprès de ces soldats de l’armée française. C’est M’hamed Ben Aomar  Lahrach, alias Maarouf, membre du comité central du PCM, ancien soldat « français » à Mont Cassino, qui part en 1949 rejoindre les maquis Vietminh.  Présent à Dien Bien Phu au sein de l’armée nord-vietnamienne il devient, semble-t-il, un ami proche de Ho et de Giap.

Il se marie sur place avec Camille, une franco-vietnamienne communiste, secrétaire dans l’armée française, faite prisonnière et ralliée au Vietminh. Elle sera une des deux seules femmes à rester sur place lors de la « libération » des prisonniers en 1951.

Son action de guerre psychologique (par tracts en arabe, chansons d’Oum Kalsoum ou d’Abdelwahab, et messages par hauts parleurs par dessus les lignes françaises) aurait amené plusieurs centaines de soldats à déserter et à rallier les lignes Vietminh. Il aurait même été présent auprès Giap dans le bunker du général de Castries quand celui-ci a signé la reddition du camp.

Après le 7 mai 1954, il organise les camps de prisonniers maghrébins et supervise la mise en place d’une ferme collective pour les 300 soldats marocains d’Ho Chi Minh. Alors que les prisonniers survivants des terribles camps sont « rendus » finalement à la France et rapatriés, ces ralliés à la cause vietnamienne sont restés jusqu’en 1972 dans le petit village de Son Tay, à 50 kms  à l’ouest de Hanoï. C’est alors seulement qu’ils réussiront à rentrer au pays, avec femmes -vietnamiennes- et enfants. Un article de Jeune Afrique de 2006 revient sur cette épopée, ainsi qu’un film de Nabil Ayouch.

Quant à Aomar, devenu un apparachik vietnamien, avec villa et voiture de fonction à Hanoï, il rejoindra aussi finalement le Maroc, pour finir tristement sa vie parmi l’opposition marocaine exilée en Algérie. Celui à qui Ho Chi Minh avait donné le titre de général et le nom de guerre de Anh Ma (« Frère cheval ») ne s’est jamais remis de ses heures de gloire passées et a vite sombré dans l’alcool. De plus en plus isolé parmi la diaspora marocaine d’Algérie, il décède le 7 mai 1971. Soit jour pour jour 17 ans après la prise de Dien Bien Phu et un an avant le rapatriement de ses soldats..

Que reste-t-il au Vietnam de cette histoire ?

Dans le village de Son Tay, les marocains avaient construit pour se rappeler le pays une… porte monumentale. Une « Bab » comme on en trouve à l’entrée des villes et villages. Rénovée l’an dernier, elle a donné lieu à une cérémonie officielle avec dignitaires vietnamiens et consul du Maroc, en présence de Abdellah Saaf, l’auteur du livre qui a exhumé toute cette histoire rocambolesque.