Après Vilnius, nous avons mis cap à l’ouest pour retrouver les côtes de la Baltique. La première étape a été pour Trakaï et son château sur une île au milieu d’un lac.

Trakaï est aussi la petite ville où vit une minorité très particulière, les Karaïs. Ce sont les descendants des 300 soldats et leur familles « importés » par le grand-duc Vytautas à la fin du XIVème siècle pour lui servir de gardes du corps. Originaires de la Mer Noire et turcophones, ils ont conservé leurs traditions juives un peu particulières. Ils tiennent quelques restaurants en ville dans de très belles maisons en bois.

Après une bonne nuit au bord de l’eau d’où nous avons pu admirer un nouveau passage de montgolfières (est-ce un sport national?), direction Kaunas, la deuxième ville du pays.

La vielle ville est sympa mais sans surprises.

Par contre on y a visité deux musées intéressants. Le premier est consacré au peintre et musicien MK Curlionis. C’était une complète découverte pour nous, même si ses peintures symbolistes du début du XXème siècle ont donné lieu à une exposition à Orsay en 2006.

On note de manière récurrente la présence d’anges dans ses tableaux. Faut-il y voir un clin d’oeil involontaire au Musée des Diables qui fait face à cette galerie, de l’autre côté de la rue ?
Antanas Zmuidzinavicius, décédé en 1966, avait une passion : les diables ! Il les a collectionnés toute sa vie et en a fait un musée assez étonnant. Sur 3 étages, des centaines de démons nous regardent dans leurs vitrines, sur les murs, ou en pleine action vis à vis des humains. On pourrait paraphraser Pierre Perret car il y en a pour tous les goûts : des durs, des mous, des au grand cou, des gros touffus, des p’tits joufflus, des grands ridés etc…






Les plus étonnants sont sans doute deux statues de diables au dessus d’un tas de têtes de morts: Ce sont Hitler et Staline se battant pour la terre lituanienne.

Après une nuit à Kaunas au camping (54.6803 25.2260, 22€), on a rejoint la Baltique, ou plutôt le bord de la lagune protégée par l‘isthme de Courlande. Le village de Senté est un bout du monde au bord de l’embouchure du Niemen, et un passage obligé pour les oiseaux migrateurs du nord de l’Europe. Une station ornithologique essaye de les compter et de les baguer en les capturant dans d’immenses filets.

Malheureusement, à part des corneilles, des canards et quelques hérons, on n’a rien vu. Ils sont sans doute déjà partis vers l’Afrique.

Mais on a quand même eu droit à un magnifique coucher de soleil. Dans notre imaginaire, les rives de la Baltique étaient plutôt grises et tristes : erreur ! Il y a ici une luminosité pâle mais intense et très belle.


Le cordon de sable de l’isthme de Courlande, de quelque 90 kms de long, dont 50 en Lituanie et le reste dans l’enclave russe de Kaliningrad, protège la lagune de l’assaut des tempêtes hivernales. La légende veut qu’il soit l’oeuvre de la princesse Néringa, qui fatiguée de voir les vagues mettre en péril les pêcheurs, a rassemblé du sable dans ses mains et l’a déposé au large. C’est aujourd’hui un parc national planté de forêts de pins et comptant les plus grandes dunes du pays (50 m de haut quand même !) que nous avons escaladées sous un crachin breton.

Nous avions rendez-vous dans le joli village de Juodkranté, aux maisons de bois, avec Gintaré, une sympathique couchsurfeuse qui nous a offert de garer le camping car dans son jardin.


Nous avons passé une soirée très agréable avec elle autour d’une bouteille de vin californien et elle nous a fait découvrir un lieu au dessus du village qu’on n’aurait sûrement pas trouvé tout seuls : la colline des sorcières.


Sur un parcours de 2 ou 3 kms sous les pins, des dizaines de sculptures taillées dans des troncs de chêne nous attendent au détour du chemin. La thématique est simple : c’est celle des contes et légendes lituaniennes, qui font la part belle aux diables (encore!) et aux sorcières. La première statue est bien sûr celle du conteur, puis on découvre la femme du pêcheur, les douze corbeaux, la reine des serpents, la sorcière gardienne de la forêt, le chasseur de lièvres, plusieurs représentations de Néringa, le dragon, la gardienne de l’eau, le dieu tonnerre, les danseurs et musiciens, Lucifer et les portes de l’enfer et plein d’autres sorcières et démons.






Chacune de ces statues raconte une histoire, comme par exemple la pluie de grenouilles.

Il était une fois une apprentie sorcière (avec des couettes) qui devait passer ses examens. Elle avait été peu studieuse et ne retrouva pas la formule magique pour faire tomber la pluie. Elle ne réussit qu’à faire tomber une pluie de grenouilles et dut redoubler sa classe !

On aime aussi beaucoup le jeu de cartes entre un diable et une sorcière. On est passés sans savoir qui a gagné finalement.

Même les bancs sont sculptés et les jeux d’enfants sont à base de troncs d’arbre. Ils sont d’ailleurs assez solides pour supporter des adultes ! On les a bien sûr testés pour vous.

La Lituanie a été le dernier pays d’Europe à être christianisé en 1387. Faut-il y voir là la raison de la persistance de ces histoires fantastiques et de cette fascination pour les démons et les sorcières ? En tous cas, Chon se voyait déjà organiser des balades contées dans ce cadre magnifique !
