En préparant ce voyage au Canada, on avait rêver d’aller jusqu’à Vancouver. Mais on a réduit nos ambitions.
On est rentré après 8247 kms en deux mois.
Ce pays est GRAND.
Après Saint-John, direction Grand-Sault / Grand Falls. Comme son nom l’indique, la ville est réputée pour ses chutes et les gorges de la rivière. Pas de chance, en ce milieu d’été, les cascades ne sont pas spectaculaires.
On n’est pas encore au Québec mais Grand-Sault est francophone. il s’agit d’une communauté acadienne. C’est toujours la surprise au Nouveau-Brunswick : les villages acadiens sont un peu partout. Visiblement les enfants de l’école en sont un peu fiers et leur fresque sur le mur du bureau de tourisme donne une idée du volume d’eau au printemps.
Après un passage par le parc national Temiskouata (sapins, lacs, sentiers de randonnées, feu de bois et barbecue… bref, la routine), nous avons retrouvé le Saint-Laurent et ça nous a fait quelque chose : c’est vraiment retrouver l’âme du Québec, et on adore.
Déjà sept mille kms au compteur ! En arrivant à Kamouraska, on a eu envie de se poser un peu et de profiter de cette jolie petite ville sur le fleuve.
Pour les bibliothécaires, Kamouraska est d’abord le roman d’Anne Hébert, mais pour les Québécois, c’est surtout un des plus beaux villages de la province et ils ont raison.
On a donc longuement flâné le long des quelques rues qui longent le fleuve – en fait Kamouraska, c’est tout petit !-. Toutes les maisons sont superbes et les jardins sont fleuris en ce moment. Les québécois ont un vrai goût des couleurs, parfois surprenantes, pour leurs maisons.
Un village québécois sans dépanneur, ça n’existe pas.
Et c’est sur la place devant l’église que vous trouverez la meilleure boulangerie du pays : on vous conseille fortement le pain aux figues et celui aux olives. Un vrai régal !
On vous laisse rêver un peu avec encore quelques images de ce petit joyau de la côte sud du Saint-Laurent.
On peut même y croiser des guides touristiques en costume d’époque.
Et pour terminer la promenade, quoi de mieux qu’un petit café dans le jardin ?
Comme ils disent dans les guides, « Vaut le voyage » !
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PS : la bière du jour sera la Moosehead. A défaut d’avoir vu le moindre orignal, malgré les centaines de panneaux routiers nous mettant en garde contre la traversée possible de l’animal, nous buvons à sa santé !
Bye bye Nouvelle-Ecosse, bonjour Nouveau-Brunswick.
Une bonne journée de route nous a amené jusqu’à la baie de Fundy, au Nouveau-Brunswick. Elle est célèbre pour ses marées : elles sont censées être les plus hautes du monde, avec seize mètres de marnage. On n’a pas vérifié car on a surtout vu la côte à marée basse.
Ce qui est certain c’est qu’au pied des falaises, ce sont des grèves qui se prolongent sur de grands plateaux de vase. On n’a pas spécialement envie de se baigner.
Par contre la mer a creusé les falaises en champignons gigantesques, appelés ici des « pots de fleurs ».
A Hopewell rocks, en fonction de la marée, on peut marcher sur le « plancher de l’océan » et déambuler entre ces structures de grès sculptées par les vagues. Ne pas hésiter à venir tôt le matin -si la marée le permet- avant la foule ! Selon l’humeur, on peut y voir des animaux, des visages ou des créatures fantastiques.
Fundy, c’est aussi un parc national, qui, comme les autres, offre des randonnées dans les forêts et le long des rivières.
Même si on en a quelquefois un peu marre des sapins -ici on dit des épinettes-, cela reste un enchantement que de se balader sur ces sentiers.
On y était le week end -pardon, la fin de semaine- et par hasard on est tombés sur un Pow Wow de trois « premières nations » autochtones, les Mi’gmag, les Pestkotomuhkati et les Wolastoqiyk.
Difficile de définir ce qu’est un Pow Wow. Cela peut être vu comme un spectacle folklorique, avec costumes, musique et danses, mais c’est beaucoup plus que cela. C’est d’abord une rencontre de gens fiers de leur culture et qui aiment se retrouver pour la célébrer, avec aussi une dimension spirituelle suffisamment forte pour que même nous la ressentions. Bien sûr il y a des touristes avec appareils photos, mais il nous a semblé que ce n’était pas l’essentiel. Cela reste familial et sérieux en même temps.
Le Pow Wow a commencé par un mot de la députée du coin souhaitant la bienvenue aux participants et aux spectateurs au nom de gouvernement du Canada, avant qu’un autochtone fasse de même dans sa langue. Le speaker a rappelé que nous étions bienvenus sur leur territoire, et a signalé en passant qu’il n’avait jamais fait l’objet de traité entre l’état canadien et la première nation locale.
Puis tout le monde s’est levé, chapeau bas, pour écouter l’hymne national des autochtones, puis un chant en l’honneur des anciens combattants. On n’a pas compris s’il s’agissait des vétérans de l’armée canadienne ou des anciens guerriers améridiens.
Toujours est-il que la surprise est venue des spectateurs : Nous étions peut-être une centaine et au moins la moitié a levé le poing, comme les danseurs, pendant ce chant. Visiblement autour de nous, sans qu’ils soient identifiables par des vêtements ou un faciès particulier, beaucoup d’autochtones « en civil » étaient venus participer discrètement au Pow Wow.
La voix rauque des chanteurs, le battement du tambour, les pas des danseurs et danseuses nous renvoyaient aux images de westerns qui ont peuplé notre enfance.
Mais là, ce ne sont pas des acteurs mais des gens fiers de leur histoire et porteur de l’avenir de leurs enfants dans le monde d’aujourd’hui. Par un curieux hasard, Le Monde, dans son édition du 7 août faisait le lendemain un long article sur le renouveau des « indiens » des USA.
Après ce moment fort de notre voyage, qui nous nourrit de plus de questions que de réponses, nous avons mis le cap à l’ouest.
On avait une envie… de ville, après toutes ces étapes en pleine nature. Notre choix est tombé sur Saint-John, une petite cité de soixante dix mille habitants, à l’embouchure de la rivière Saint-Jean. Sans le faire exprès, on a pu continuer à filer la métaphore western, tant la vielle ville sentait l’ouest américain.
Bâtiments construits en fronton, de bois ou de briques, rues en pente comme un mini San Francisco, immeubles massifs style 1900, tout rappelait que nous sommes à cent kms de la frontière US.
On s’est offert un repas dans un restaurant décoré de filets de pêche et de casiers à homards. Mauvaise pioche : « l’assiette du pêcheur » de Chon, avec pétoncles, clams et haddock avait été noyée dans une friture épaisse qui tuait tout intérêt pour les fruits de mer et le sandwich au homard de Daniel avait un goût de chewing gum. Quel gâchis !
Comme on était dimanche, les magasins étaient fermés. On n’a donc pas pu visiter le Musée de la Police, qui d’après les guides, nous aurait permis d’admirer un constable en uniforme de 1849 et même d’anciennes menottes et une volkswagen de 1965 ! Une vraie déception !
On essayera de se consoler en visitant, sur la route qui nous ramènera au Québec, à Edmunston, le Musée des religieuses hospitalières de Saint-Joseph, célébrant leur arrivée à Saint-Basile-de-Madawaska en 1873.
Sûrement à ne pas manquer .
PS : et en préambule à cette visite, la bière du jour sera celle de Soeur Catherine brassée à Grand Sault. N’a-t-elle pas l’air hospitalière ?
Comme on aime bien les bouts du monde, après la Gaspésie, la grande île de Cap Breton nous semblait la destination idéale. Et puis, bien sûr, ,le nom nous faisait rêver.
Quittant Percé et la gentillesse de Morgane, on a donc longé la côte sud de la Gaspésie, le long de la Baie des Chaleurs. Cartier l’avait baptisée ainsi pour la température de l’eau, mais on n’a pas vérifié.
Notre première étape a été pour Bonaventure, village qui héberge le Musée des Acadiens au Québec. Au delà de l’expo permanente qui rappelle l’expulsion des français de leurs terres devenues Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Ecosse, une expo temporaire valait son pesant de cacahuètes : un parallèle entre la religion catholique et la religion… du hockey au Québec. C’est vrai que la comparaison tient la route : des lieux de culte, des grands messes, des officiants, une foi partagée, des héros en odeur de sainteté, bref tout ce qu’il faut pour fonder une Eglise. Quant au titre de l’expo, il fallait oser :
Au fond de la baie, un grand pont métallique sur la rivière ; Côté québécois, on est sur le site de la réserve Micmac de Lestuguj, de l’autre on est au Nouveau Brunswick.
C’est ici qu’en 1981 les incidents violents de la « guerre du saumon » ont eu lieu entre les autochtones et cinq cents policiers québécois.
Les 11 et 20 juin 1981, la Sûreté du Québec a mené des rafles dans la réserve. En cause : les droits ancestraux de pêche au saumon des Micmacs.
Les restrictions que le gouvernement québécois tentait d’imposer sur cette pêche, source d’alimentation et de revenus pour les Micmacs, ont soulevé colère et consternation, et finalement les gouvernements québécois et canadien ont dû faire machine arrière devant la mobilisation des média et des organisations de droits de l’homme. Un film a été tourné sur cet évènement, à voir en entier ici.
A lire également Taqawan, un excellent roman d’Eric Plamondon, qui évoque ces événements et démarre sur le fameux pont.
Les « indiens » avaient déjà perdu leurs territoires au bénéfice des chantiers forestiers, de l’exploitation minière, des grands barrages, sans oublier les confiscations de certaines rivières au profit de clubs privés de pêche. Si l’on rajoute la sédentarisation et l’évangélisation forcées, rien ne leur a été épargné ! Et voilà qu’on les traitait de braconniers sur leur propre rivière !
Il faut quand même rajouter qu’aujourd’hui les choses semblent avoir réellement évolué.
Une fois passé le pont, surprise, nous sommes en Acadie !
Drapeaux tricolores au vent, marqués d’une étoile jaune, poteaux électriques peints en bleu-blanc-rouge, étoiles peintes sur les maisons, municipalités francophones, la rive sud de la baie des Chaleurs est acadienne à 100%.
En fait le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue du Canada, avec au total 35 % de francophones. Au delà de la « péninsule acadienne », face à la Gaspésie, on trouve des villages acadiens disséminés sur la côte jusqu’en Nouvelle-Ecosse plus au sud. Ca fait bizarre de trouver tous ces drapeaux tricolores en terre américaine.
Il s’agit de communautés qui avaient été chassées manu militari par les soldats anglais à partir de 1755 et qui sont de retour de leur exil québécois, français, terre-neuvas ou louisianais et revendiquent haut et fort leur identité.
Mais pour nous le Nouveau-Brunswick est pour le moment une longue route monotone entre des forêts de sapin, direction la Nouvelle-Ecosse.
Quelques panneaux indicateurs sont assez mystérieux *.
On se réserve le Nouveau-Brunswick pour le retour. On s’est juste offert une nuit en bord de mer au Cap Pelé – village acadien- pour un coucher de soleil magnifique.
La Nouvelle-Ecosse a aussi été une surprise, car elle mérite bien son nom. ici, les gens s’appellent MacDonald, MacGuiness, MacLella, MacEarchenn, MacNeil, Mac Isaac et autres Mac. Les villes et villages s’appellent New Glasgow, Inverness, Strathlorne, Glendale, et les panneaux sont en bilingue. Tout cela fleure bon les Highlands. Même l’accent est d’origine !
Notre objectif était donc l’île de Cap Breton, tout à l’est de la Nouvelle-Ecosse. Une bien longue route depuis Percé. Mille kms et trois jours plus tard, nous passons le pont qui relie l’île au reste de la province et nous atterrissons au joli village de Baddeck et son port sur le grand lac central de « Bras d’or » (c’est son nom).
Il nous faudra encore trois heures de route entre mer, lacs et forêt sur la magnifique « Cabot trail », côté est de l’île, pour monter tout au nord sur la côte sauvage de Meat Cove.
Et là, nous avons trouvé, grâce à ioverlander, un endroit incroyable !
A cent cinquante mètres au dessus de la falaise, face à la mer, sur un cap, loin de tout, une plate forme en ciment de cent mètres carrés a été construite pour un ancien phare -disparu-. Ou était-ce pour une batterie de mitrailleuses de la seconde guerre mondiale, pour surveiller les sous-marins allemands qui s’aventuraient sur les côtes ?
Toujours est-il que cet endroit extraordinaire valait bien les mille kms pour y accéder. C’était tellement exceptionnel qu’on y est resté trois jours complets, sans téléphone, sans internet. Juste nous et la mer, avec couchers de soleil à main gauche, et levers à main droite. On se serait cru sur une île déserte.
Le bois mort ne manquait pas et on a pu jouer les Robinsons pendant les trois jours.
Et on n’était pas au bout de nos surprises… Tout d’un coup, depuis la piste en surplomb de la plate-forme, on a été interpellés non pas par Vendredi mais par un jeune couple brandissant un grand Gwenn-ha-Du ! Sur l’antenne du van, Daniel avait accroché un petit drapeau breton, et Julien et Emilie l’avaient repéré de loin ! On ne pouvait que les inviter sur notre petit coin de paradis et c’est ainsi que nous avons passé avec eux une superbe soirée.
Bretons du Morbihan (nul n’est parfait), ils vivent tous les deux à Montréal depuis trois ans. Emilie travaille dans une troupe de théâtre et Julien est graphiste.
Après des vacances aux îles de la Madeleine, eux aussi étaient venus jusque là à cause du nom de l’île. On a quand même dû leur révéler la vérité. On avait découvert que ce nom avait été donné par des… Basques, en l’honneur de la ville de Capbreton dans les Landes ! Il a fallu quelques bières pour oublier cette déception majeure pour nous quatre.
Et tout s’est terminé avec un coucher de soleil spécial Bzh.
PS : * Même les sigles sont bilingues au Nouveau-Brunswick : IPE/ÎPé veut dire Prince Edward Island / île du Prince Edouard
PPS : Pour la bière du jour, on n’a pas hésité : Une pression de la brasserie locale de Sydney, la « capitale » de Cap Breton.