Comme nous l’avions décidé, nous cherchons à rencontrer des gens dans chaque pays, via Couchsurfing. Après un rendez-vous manqué à Tirana pour cause de changement de date, nous avons rencontré à Lushnjië, Eriklajd, et son copain Eno.
Lushnjië est une ville de 30 000 habitants sans histoire particulière, au sud de Tirana, sans doute représentative d’une petite ville de province. Rien de spécial à visiter, juste la vie quotidienne.
Eriklajd , 24 ans, après un master en Finances, a décroché un bon poste (200 € par mois !), il travaille à la Région comme responsable du »forest department », mais craint pour la suite. En Albanie, la corruption et le piston font tout. En 2017, il y a des élections municipales et si la municipalité change, Erik perdra son boulot, car il l’a eu parce que membre du parti au pouvoir à la mairie.
Quant à Eno, son histoire est assez triste : sans formation, il a tenté sa chance en France il y a trois ans, mais a été refoulé il y a un an n’ayant plus de visa : l’Albanie est considérée comme un pays sûr, il a donc été renvoyé dans ses foyers ! Et il n’a aucune perspective à Lushnjië.
Nous avons passé une soirée de discussions avec eux. Nous en sommes sortis assez troublés.
On s’ennuie ferme à Lushnjie quand on a 25 ans. On traine le soir dans les nombreux cafés à refaire le monde, à regarder le foot européen sur grand écran, à rêver d’émigrer, à pianoter sur son téléphone en profitant des wifis des cafés, à boire des cafés ou des bières, et on se promène à pied sans fin sur le boulevard et la grande place piétonne. Les filles, elles, sont à la maison, ou se promènent par groupe. On ne voit pas de couples ensemble. Cela semble triste à mourir !
Erik nous explique qu’il n’est pas question de penser au mariage maintenant, ni même d’avoir une petite amie; son objectif est d’abord de gagner de l’argent avant de songer à se marier. Quand il sera marié, sa femme viendra habiter à la maison familiale, un fils devant rester chez ses parents ! Cela explique que les maisons albanaises sont si grandes : 2 ou 3 générations y cohabitent.
Dans le centre ville, des immeubles tout neufs poussent un peu partout et la place piétonne centrale vient d’être refaite. Pour nos amis, tout cela est le résultat du blanchiment de la corruption et de l’argent pas toujours propre (prostitution, drogues, contrebande cigarettes) des immigrés.
Par contre, hors du centre, les rues sont défoncées et les immeubles bien pourris. La corruption généralisée plombe tout développement.Deux Albanies vivent parallèlement et Erik et Eno semblent du mauvais côté du manche. Erik rêve de la Suède, Eno a raté son coup en France mais est bien décidé à recommencer. « No future » semble la réalité pour cette jeunesse.
Alors, on devient expert de foot ! Erik suit tous les championnats, connait les classements sur le bout des doigts (« Dijon est en tête de la ligue 2, devant Tours« ), connait tous les joueurs. Il est fan du LOSC, surtout » celui qui était entraîné par Rudy Garcia, lorsque Eden Hazar y jouait il y a 5 ans ». Eno, lui penche pour Guingamp. Et tous pensent qu’Ermir Lenjani, capitaine de l’équipe nationale albanaise, actuellement au FC Nantes, est le meilleur défenseur de ligue 1. L’Albanie est qualifiée, pour la première fois, pour l’Euro . Erik rêve d’aller voir Albanie-Suisse à Marseille en juin prochain, mais les billets sont tellement chers !
Malgré cela ils ont été adorable avec nous et, suivant les règles de l’hospitalité albanaise, il nous a été impossible de payer ni boissons ni Burek (feuilleté fourré au fromage, épinard ou viande et qui est « l’en cas » national).
Bref, on est allé se coucher tranquillement dans une rue de Lustinjë, mais ça cogitait ferme dans nos têtes !